Thèmes de Recherche
Avec des implications
en Sciences de la Terre et de l'Environnement et Sciences des Matériaux, la compréhension de l'organisation
structurale des matériaux naturels et synthétiques permet d'en rationaliser
leurs propriétés physico-chimiques, ainsi que leurs conditions de formation,
et de mieux comprendre les processus qui régissent, à l'échelle moléculaire,
les transferts d'éléments dans le milieu naturel. Une approche sélective
de la structure des matériaux à l'échelle atomique permet une vision transversale
de composés variés, minéraux, verres, gels, liquides fondus et solutions
aqueuses. Des informations originales sont ainsi obtenues en combinant des
spectroscopies du solide (UV-visible-proche infrarouge, RPE, spectrométries
EXAFS et XANES, effet Mössbauer), des méthodes de diffusion des rayons X
et des neutrons ainsi que des modélisations numériques de la structure des
milieux étudiés. Ces méthodes utilisent souvent des grands instruments: rayonnement
synchrotron (LURE/SOLEIL, SSRL, ESRF, APS, SLS…), ainsi que sources de neutrons
(LLB, ISIS). Le couplage de la logique de l'organisation structurale des
éléments dans les minéraux avec les données géochimiques ou environnementales
ou les propriétés physico-chimiques des matériaux, ainsi que la comparaison
de systèmes synthétiques et naturels, amène des prédictions intéressantes
de propriétés dans des champs scientifiques variés: Sciences de la Terre
(conditions de formation des minéraux et des verres; processus de transfert
et de concentration des éléments; traçage de gisements), Sciences de l'Environnement
(minéraux d'altération; processus de pollution des milieux; stockage des
déchets) et de Science des Matériaux (influence des impuretés et des défauts
sur les propriétés des verres, céramiques, pigments et cosmétiques). Ces
études sont souvent effectuées au sein de grands programmes de recherche
nationaux et internationaux, ainsi qu'au travers d'une collaboration suivie
avec les grands acteurs du secteur industriel et sont ainsi naturellement
insérées dans des problématiques plus larges.
- Relations structure-propriétés des verres
et liquides silicatés
Les verres et liquides
silicatés constituent un domaine de recherche passionnant à la fois en Sciences
des Matériaux - en raison de la difficulté de relier structure et propriétés
physico-chimiques- et en Sciences de la Terre, en raison de l'importance des
magmas dans les processus géologiques. Leur composition souvent complexe,
en particulier au niveau des constituants mineurs, et leur nature amorphe
explique que l'on ne dispose pas encore de modèles structuraux satisfaisants.
Nous avons abordé l'organisation locale des verres à différentes échelles:
définition des sites cationiques, souvent originaux, relation entre cations
et réseau anionique et mise en évidence d'un ordre étendu (à l'échelle du
nm). Ces résultats permettent de décrypter les mécanismes qui régissent l'organisation
structurale de ces matériaux amorphes et leur relation avec des propriétés
physico-chimiques importantes comme la coloration et la stabilité chimique
des matériaux vitreux ou encore les processus de nucléation cristalline ou
le partage des éléments chimiques entre minéraux et liquides magmatiques.
Modélisation
par dynamique moléculaire de la structure d'un verre silicaté multicomposant
(d'après Calas et al., 2003).
Plus récemment,
se sont développées des mesures structurales in situ à haute température,
permettant de suivre l'évolution structurale des verres à haute température
et des liquides fondus. Des études similaires à haute pression, permettent
de suivre l'évolution complexe de la structure des verres lors de leur densification.
Variation du spectre d'absorption
UV-visible des ions Cr3+ dans un verre silicaté en fonction de
la température (en °C), à l'origine des modifications de couleur des verres
à haute température (thermochromisme). Ces modifications sont liées à l'expansion
thermique des sites Cr3+. Photo de droite: thermochromisme d'un
verre silicaté vert devenant jaune au delà de 350°C (cliché O. Villain, IMPMC).
- Minéralogie environnementale
L'étude cristallochimique des Géomatériaux formés à la surface de la Terre,
permet de les utiliser comme traceurs des processus d'altération. On peut
étudier les phases amorphes ou nano-organisées avec les mêmes approches à
l'échelle atomique que pour les verres. Il est ainsi possible de comprendre
les mécanismes structuraux qui régissent leur stabilité et leur évolution
éventuelle vers des structures minérales organisées. Une approche cristallochimique
permet également une vision privilégiée du comportement des éléments mineurs
ou en trace sur les surfaces continentales, à condition de replacer les observations
structurales dans leur contexte environnemental. Les minéraux et les composés
organiques des sols exercent un contrôle structural de la spéciation et la
mobilité de ces éléments, avec un rôle important joué par l'interaction avec
l'activité biologique. Appliquées aux éléments toxiques que l'on peut trouver
dans les sols (Pb, As, Zn, U... ), des approches cristallochimiques, spatialement
résolues et couplées avec des études géochimiques et environnentales, permettent
de relier concentration élémentaire, forme chimique, mobilité et toxicité
de l'élément.
Impuretés paramagnétiques
dans une kaolinite de sol latéritique: fer structural, oxydes de fer associés
et centres à défauts (d'après Muller et al., 1995).
- Déchets radioactifs - Dégâts d'irradiation
Ce thème, développé en
interaction avec le CEA et l'ANDRA, concerne à la fois les Matériaux et l'Environnement.
Dans le premier cas, nous souhaitons comprendre les mécanismes structuraux
qui régissent la stabilité des matrices vitreuses lors de leur élaboration,
de leur vieillissement sous irradiation et de leur altération à long terme.
La structure des gels générés lors de la lixiviation d’un verre nucléaire
est susceptible d'influencer le comportement à long terme de la matrice. A
l'instar de ce qui a été réalisé sur la matrice verre, la combinaison des
modélisations atomistiques et les approches structurales permettent d' obtenir
des informations, à l'échelle atomique, sur la structure réticulée des gels
d'altération.
L'irradiation naturelle des minéraux est souvent traduite par des colorations
originales. La stabilité thermique limitée de ces défauts permet de les utiliser
en datation ou en thermométrie géologique. La précision de ces informations
permet de remonter aux conditions de formation des minéraux des sols et laisse
même entrevoir des possibilités de datation directe. Les dégâts d'irradiation
sont particulièrement spectaculaires dans des matériaux divisés comme les
argiles, en raison de la forte surface spécifique de ces derniers, ce qui
rend ces études intéressantes en champ proche (barrières ouvragées) et en
champ lointain. Dans ce dernier cas, il est ainsi possible de tracer le transfert
de radionucléides dans les environnements de basse température, notamment
sur des analogues naturels de sites de stockage en milieu géologique.
Relation entre concentration mesurée en uranium et concentration calculée
à partir de la concentration en défauts d'irradiation des kaolinites de l'analogue
naturel de Nopal (Mexique). En insert, le cliché MEB représente l'association
entre kaolinite (K) et minéraux secondaires d'uranium (weeksite, W, et carnotite,
C). (D'après Muller et al., 1995 et Calas et al., 2003).
- Cristallochimie des éléments mineurs et
en traces
La cristallochimie des éléments de transition et les terres rares
peut être approchée de façon privilégiée au travers des propriétés spectroscopiques
des minéraux. L'environnement de ces éléments régit le partage des éléments
traces entre les minéraux et leurs milieux de formation. Cependant, les processus
de substitution d'un constituant majeur d'un minéral par un élément trace
sont mal compris: nature du site occupé, processus de compensation de charge,
importance de la relaxation structurale montrent que le concept de solution
solide repose en fait sur une vision statistique de la structure cristalline.
La distribution inter-sites et l'hétérogénéité de distribution de certains
éléments traces peuvent être reliées aux processus de croissance. La localisation
des impuretés dans le réseau cristallin explique également l'origine de la
coloration des minéraux et matériaux d'intérêt technologique, et permet de
tracer la provenance des minéraux, comme dans le cas des matériaux du patrimoine.